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LES ANGLAIS ET L’INDE

cun d’eux n’était capable de lire les prières du Coran, et si l’officier voulait rendre ce dernier hommage à la mémoire du défunt, il ferait là un acte de bienfaisance dont il lui serait tenu compte en ce monde et dans l’autre. Le Mogol ne résista point à cet appel fait à sa religion et descendit de cheval. Le corps avait été placé dans la fosse de la manière prescrite par le Coran, la tête tournée vers la Mecque. Un tapis fut étendu devant l’officier : il ôta d’abord son carquois, puis son sabre et ses pistolets, qu’il déposa au bord de la fosse. Une fois désarmé, il se lava la face, les pieds et les mains, pour ne pas dire les prières en état d’impureté, et, se mettant à genoux, commença à voix haute le service des morts. Deux compagnons du défunt, agenouillés près du cadavre, priaient en pleurant : les quatre autres s’étaient portés à la rencontre des deux domestiques, pour que leur arrivée ne vînt pas interrompre les prières du bon Samaritain… Soudain, à un signal, les mouchoirs sont jetés, et au bout de quelques minutes le Mogol et ses deux serviteurs étaient empilés dans la fosse béante, conformément aux pratiques des thugs, la tête du cadavre d’en haut aux pieds du cadavre d’en bas. Tous les voyageurs que le Mogol avait rencontrés appartenaient à une même bande de thugs du royaume d’Oude qui, désespérant de capter sa confiance par de mielleuses paroles, avaient imaginé ce stratagème pour le tuer et s’emparer de son or et de ses bijoux. Le Mogol, homme de forte corpulence, mourut sur le coup : ses serviteurs ne firent aucune résistance. »