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CRIMES ET CHÂTIMENTS

L’officier ne répondit pas à ces ouvertures, et comme les voyageurs persistaient à s’attacher à ses pas, ses narines s’enflèrent de nouveau, ses yeux lancèrent des éclairs ; il plaça la main sur son sabre et leur commanda de s’éloigner, s’ils ne voulaient pas voir leurs têtes voler de dessus leurs épaules. C’était un formidable cavalier ; il portait à son dos un arc et un carquois plein de flèches, une paire de pistolets à sa ceinture et un sabre à son côté : aussi les pauvres gens obéirent en tremblant. Le soir, un autre groupe de voyageurs, logés dans le même caravensérail que le Mogol, lièrent connaissance avec ses deux domestiques, et au matin, en les rejoignant sur la route, ces voyageurs cherchèrent à entrer en conversation avec le maître ; mais malgré les prières de ses serviteurs, pour la troisième fois les narines du Mogol s’enflèrent, ses yeux lancèrent des éclairs, et il commanda impérieusement aux étrangers de demeurer en arrière. Le troisième jour, le Mogol, continuant sa route, était arrivé au milieu d’une plaine déserte ; ses domestiques le suivaient à distance, lorsqu’il se trouva en présence de six pauvres musulmans qui pleuraient sur le corps d’un de leurs compagnons, mort au bord du chemin : c’étaient des soldats de Lahore qui revenaient à Lucknow pour revoir leurs femmes et leurs enfants, après une longue absence ; Leur compagnon, l’espoir et la joie de sa famille, avait succombé aux fatigues du voyage, et ils allaient déposer son corps dans la fosse béante ouverte par leurs mains ; mais, pauvres gens illettrés qu’ils étaient, au-