Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/201

Cette page n’a pas encore été corrigée
191
CRIMES ET CHÂTIMENTS

gens, mit à mort le légitime propriétaire et ses serviteurs, et fit ensuite entrer les étoffes à la frontière comme siennes sous la protection du permis antérieurement et frauduleusement obtenu.

Ce qui semble plus extraordinaire que l’immense système de destruction pratiqué par les thugs, ce qui est à la fois la condamnation et la honte des divers gouvernements qui ont successivement administré l’Inde depuis des siècles, c’est que leur histoire est presque muette au sujet du thuggisme. De tous les rois de l’Inde, Akbar fut le premier qui sévit contre les thugs. Après lui, quelques princes natifs livrèrent au dernier supplice des sectaires de Bowhanee, mais sans système arrêté de répression, avec des moyens d’action trop restreints pour ruiner une association aussi formidable. Un fait qui semblera inexplicable à quiconque n’a pas vu sur les lieux mêmes l’impénétrable mystère qui protège tous les détails du mécanisme intérieur de la communauté native, c’est que cinquante années de conquêtes avaient déjà assis la domination anglaise dans l’Inde lorsque les forfaits des thugs excitèrent pour la première fois l’attention du gouvernement de la compagnie. À cette époque disparurent plusieurs soldats indigènes se rendant en congé dans leur village avec leurs économies, et les enquêtes auxquelles ces disparitions donnèrent lieu révélèrent inexistence du thuggisme, sans faire soupçonner toutefois l’étendue du mal, car, pendant les vingt années qui suivirent ces premières découvertes, les thugs ne furent l’objet d’aucunes peur-