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CRIMES ET CHÂTIMENTS

bracelets. Ces actes qui, devant la loi indoue, entraînent la mort civile, etexcluent un individu de sa caste, annonçaient chez la veuve une résolution inébranlable d’en finir d’une manière ou d’une autre avec la vie ! La prohibition de la coutume des suttees n’avait pas encore été érigée en loi par le gouvernement de l’Inde, et le colonel Sleeman, persuadé que la veuve se laisserait mourir de faim s’il ne se rendait pas à ses demandes et à celles de sa famille, ne se crut pas autorisé à persister dans son refus. Cependant, il voulut tenter un dernier effort, et se rendit au matin auprès de cette victime volontaire de la plus folle des superstitions. Il la trouva assise au bord du fleuve, le turban rouge autour de la tête, une noix de coco dans chaque main, ayant à ses pieds une assiette couverte de riz et de fleurs. Mais ce fut en vain que le colonel épuisa tous les arguments que son bon cœur et sa raison purent lui suggérer pour détourner la veuve de son projet : « Mon pouls a depuis longtemps cessé de battre, répondait-elle à ses sollicitations ; mon âme m’a quittée ; il n’y a plus en moi qu’un peu de terre, que je désire mêler aux cendres de mon mari. Le feu sera sans douleurs pour mon corps, et si vous en doutez, faites approcher un brasier, vous verrez les charbons ardents dévorer la chair de mon bras, et vous n’entendrez pas un mot de plainte sortir de ma bouche. » L’officier anglais, désespérant de ramener à la raison une victime ainsi fanatisée, accorda la permission demandée, mais à la condition toutefois que les parents de la veuve s’engageraient à ne plus prati-