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CRIMES ET CHÂTIMENTS

mière ligne, il faut citer l’abolition de la coutume du suttee, ou suicide des veuves[1]. C’est à l’administration de lord William Bentinck que se rattache cette mesure, une des plus décisives prises par le gouvernement de la compagnie, la seule presque où il ait osé défier ouvertement les préjugés et les coutumes de ses sujets indiens. La loi qui défend le suicide des veuves et punit comme complice d’un meurtre quiconque a, par ses actes ou ses conseils, contribué au sacrifice homicide, a été couronnée d’un plein succès. Si quelques suttees s’accomplissent encore aujourd’hui, les cas sont excessivement rares, et l’on peut regarder cette pratique inhumaine comme entièrement extirpée des mœurs de la race indienne. Il n’en était pas ainsi il y a à peine quelques années, et les temples dédiés aux veuves qui ont mêlé leurs cendres à celles de leurs époux, temples que l’on rencontre à chaque pas au bord des rivières de l’Inde, donnent une juste idée de la sagesse et de l’opportunité de la mesure préventive prise par le gouvernement anglais sous l’inspiration de lord William Bentinck. Nous ne croyons pas sortir des limites de ces

  1. L’origine de cette terrible pratique se perd dans la nuit des temps, et un voyageur qui parcourut l’Inde à la fin du dernier siècle rapporte que les brahmes qui formulèrent la loi du suttee y furent poussés pour mettre un terme aux crimes des femmes indiennes, qui, sur le plus légermotif, empoisonnaientleurs maris. La loi du suttee fit cesser cette habitude fâcheuse, remarque candidement le voyageur, mais d’un excès l’on tomba dans un autre, car, ajoute-t-il, le suicide des veuves entra si avant dans les mœurs, que celles qui se refusaient à l’accomplir étaient réservées à une vie de misère et d’abjection.