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LES ANGLAIS ET L’INDE

vent, dans ces pays où la main-d’œuvre est au plus bas prix, s’entourer d’un bien-être inconnu dans les armées européennes. Ils entretiennent autour d’eux des domestiques pour faire la cuisine, pourvoir aux soins de propreté des casernes, conserver leur fourniment, etc. Qu’on ne s’exagère pas trop cependant les délices de ce dolce far niente. Ainsi l’on prête cette définition de l’Inde à un soldat irlandais : « L’Inde, beau pays où l’on a toujours soif ; seulement l’on va au lit bien portant, et l’on est très-étonné de se réveiller mort ! » Triste spectacle en effet que celui qu’une caserne de troupes européennes dans l’Inde présente au visiteur : ce ne sont que visages hâves et décolorés, yeux ternis par l’ennui et par la fièvre ; pauvres gens, qui ne savent tromper les longues heures d’une vie pleine d’oisiveté et de monotonie que par les plaisirs mortels de la bouteille d’eau-de-vie.

Les maladies, en effet, déciment chaque année d’une manière terrible les rangs européens. L’on estime que sur 1,000 hommes il y en a toujours 129 à l’hôpital, et que tout soldat figure trois fois par an sur la liste des malades. Quant à la mortalité, qui est en Angleterre de 15 pour 1,000, elle est au Bengale de 7 pour 100. Heureux encore les régiments qui restent dans les limites de cette moyenne, car il en est d’autres qui voient se renouveler tout leur personnel en quelques années ! Ainsi le 98e régiment, dont l’effectif au débarquement s’élevait à 718 hommes, ne comptait plus après huit ans de résidence que 109 hommes du personnel primitif.