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ne perçoit pas ce même reste des choses, qui est donc particulière et superficielle. Qui sait s’il n’en est pas de même de notre identité ? Nous avons beau invoquer notre mémoire ; elle nous donne bien plus de témoignages de notre variation que de notre permanence. Mais nous ne pouvons à chaque instant que nous reconnaître et que reconnaître comme nôtres les productions immédiates de la vie mentale. Nôtre est ce qui nous vient d’une certaine manière qu’il suffirait de savoir reproduire, ou emprunter, ou solliciter par quelque artifice, pour nous donner le change sur nous-mêmes et nous insinuer des sentiments, des pensées et des volontés indiscernables des nôtres ; qui seraient, par leur mode d’introduction, du même ordre d’intimité, de la même spontanéité, du même naturel et personnel irréfutables que nos affections normales et qui seraient toutefois d’origine tout étrangère. Comme le chronomètre placé dans un