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l’égotisme par la fréquentation de quelques-uns de ces Anglais délibérément originaux qui se voyaient alors en Italie, très occupés d’être excentriques, ayant les grands moyens de l’être : le physique, l’ennui, la froide fantaisie, les guinées, l’insolence essentielle, le prestige de leur nation qu’ils faisaient profession de scandaliser, sachant bien qu’elle ne hait pas d’être choquée. L’effet sur lui de ces milords put être assez excitant. Songez à ce qu’il a le plus haï en ce monde, à la petitesse, à l’économie, à l’absence de tout caprice, aux habitudes sottes ou sordides, à toutes les vertus anti-passionnelles, (terreur de l’opinion, terreur de la dépense, terreur d’aimer ce que l’on aime), qu’il avait observées de près, subies, blasphémées dans son enfance, qui lui avaient rendu Grenoble et toute la province française odieuses. Il abhorre les traditions, la petite ville, la vanité locale, la médiocrité infligée. Quand il y pense, il se hérisse, et se fait insulaire de l’île MOI.

On n’avait pas encore inventé cette tardive amour des petites patries, des clochers et des choses mortes, qui s’est curieusement combinée de nos jours avec un excès de nouveautés. Le culte des localités et des ancêtres n’était point encore restitué, car les chemins de fer et les effets désordonnés de l’économie moderne n’avaient point encore fait sentir à quelques-uns le besoin plus ou moins profond de racines plus ou moins réelles, et la nostalgie d’un état quasi végétal que ceux qui l’ont subi n’ont pas toujours excessivement goûté.


Stendhal est un des hommes que leurs impressions d’enfance