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Le thème de l’égoïsme égotiste sonne ainsi sous sa plume : ALORS COMME ALORS !…

Autre thème : celui des Filets trop hauts.

L’orgueil les tend si haut que rien de réel jamais ne s’y vient prendre. La vanité tient le tramail dans les bas-fonds et pêche çà et là toujours quelque avantage sensible.

Ces questions d’orgueil et de vanité sont essentielles quand il s’agit d’un homme qui se produit au public ; elles se mêlent curieusement au talent, l’excitent et même l’engendrent, le dépravent, ou l’orientent continuellement. Il faut donc s’y arrêter un moment à l’occasion de Stendhal et en faire quelque réflexion. Les quantités comparées de vanité ou d’orgueil qui sont impliquées dans une œuvre sont des grandeurs caractéristiques que les chimistes de la critique ne doivent cesser de rechercher. Elles ne sont jamais nulles.

Le moins sot des auteurs illustres, tourmenté toutefois du désir d’être lu et d’émouvoir éternellement, Stendhal, malgré tant d’esprit qu’il avait, malgré tant de plaisir qu’il trouvait à se surprendre, à se reprendre, à se réveiller de ses ridicules, à se railler (comme on se pince pour se ressaisir et se concevoir), n’a pas laissé d’être partagé entre sa grande envie de plaire et d’entrer dans la gloire, et la manie ou la volupté d’être soi-même, à soi-même, et selon soi seul, qui s’y oppose. Il sentait dans sa chair secrète l’éperon de la vanité littéraire ; mais il y sentait, un peu plus avant, l’étroite et bizarre morsure de l’orgueil absolu qui ne veut dépendre que de soi.