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que dans l’une des dernières séances de l’Académie à laquelle il ait assisté, comme nous agitions — paisiblement, — le projet de notre grammaire française, Foch, à son tour consulté, nous dit : « Qu’elle soit courte et simple. » Il n’aimait que ce qui va droit au but. Mais ce ne sont pas du tout les mêmes trajectoires que les divers esprits admettent comme lignes droites. Chaque manière de penser a ses plus courts chemins.

Foch était l’homme de l’énergie toute vive. Un homme de ce type est un homme invariablement, invinciblement attiré par la décision qui exige le plus d’énergie dans la conception et dans l’acte : qualité inestimable dans un métier qui ne consiste qu’à produire ou à éviter un événement sans retour.

On eût dit quelquefois que Foch, refusant le présent, rejetant ce que tous voyaient, bousculant le réel comme une apparence, aimât d’opposer aux circonstances son vouloir pur et simple. Il semblait assuré que tout doit plier devant une volonté tendue, qui se sent étrangement supérieure aux réalités momentanées, qui se fait inaccessible, sourde, absolue, presque indifférente à l’inégalité matérielle des forces et des moyens. Ce qu’il voit le touche moins que ce qu’il veut.

Il arrive qu’une telle puissance d’impulsion ne soit pas sans induire en témérités, et que de redoutables coups d’arrêt quelquefois ne la brisent. Mais une réflexion fort simple la justifie dans tous les cas où la situation est des plus graves, qui sont les cas de beaucoup les plus importants à la guerre. S’il paraît donc que tout soit en perdition, que tout ce qui se produit, tout ce qui visiblement se prépare est clairement menaçant, et presque à désespérer, où faut-il donc placer son dernier espoir, où trouver le seul point incertain qui subsiste, dans un ensemble de circons-