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REMERCIEMENT

longée, et de combiner les héritages d’une suite ininterrompue d’écrivains admirables. Nos grands écrivains, Messieurs, ne sont pas chez nous de grands isolés, comme il arrive en d’autres contrées ; mais il existe en France une sorte d’atmosphère pour les lettres qui ne se trouve pas ailleurs, et qui fut toute favorable à votre confrère.

Lui-même n’était possible et guère concevable qu’en France, dont il a pris le nom. Sous ce nom difficile à porter, et qu’il fallait tant d’espoirs pour oser le prendre, il a conquis la faveur de l’univers. Il lui présentait, à la vérité, une France ayant les qualités spécieuses dont l’univers souffrirait qu’elle se contentât ; qui lui plaisent, et qui ne le gênent ni ne l’inquiètent. Le monde ne hait point que nous nous réduisions à une fonction de pur agrément. Il nous supporterait comme un ornement de la terre. Il admet assez généreusement que nous représentions, dans un temps qui manque de grâce, un culte particulier des choses exquises, et que nous fassions figure d’un peuple d’artistes et d’amateurs satisfaits de leur sort, de leur ciel, de leur pays plein de beautés, comme si notre histoire toute récente, tout le sang répandu, toutes les marques de l’énergie la plus soutenue et d’une inébranlable et victorieuse volonté, un consentement général au sacrifice, d’immenses moyens improvisés en pleine tempête ne donnaient pas à cette nation le droit de parler aux puissances les plus avantageuses sur le ton le plus noble, le plus net, et même, le plus raisonnable.

Mais c’est d’une France assez différente, de la douce, distraite et délicate France, et presque d’une France un peu lasse et apparemment désabusée, que son illustre homonyme a peint élé-