qui essaient de les décrire, se contrarient, et nous attribuons à des êtres vivants une monstrueuse nature que nos faibles expressions viennent de nous construire.
Admirons au contraire cette grande capacité de contrastes. Il faut considérer avec une attention curieuse cette nature d’oisif, ce liseur infini, produire une œuvre considérable ; ce tempérament assez voluptueux s’astreindre à l’ennui d’une tâche constante ; cet hésitant, qui s’avance comme à tâtons dans la vie, procéder de sa modestie première, s’élever au sommet par des mouvements indécis ; ce balbutiant, en venir à déclarer même violemment les choses les plus hardies ; cet homme d’esprit, et d’un esprit si nuancé, s’accommoder d’être simplifié par la gloire et de revêtir dans l’opinion des couleurs assez crues ; ce modéré et ce tempéré par excellence, prendre parti, avec une si grande et étonnante vigueur, dans les dissensions de son temps ; cet amateur si délicat, faire figure d’ami du peuple, et davantage, l’être de cœur et tout à fait sincèrement.
Je sais bien ce que l’on dit. On ne s’est pas privé de murmurer — et même d’articuler assez nettement — qu’il dut beaucoup de ses vertus actives, qui n’étaient point, semble-t-il, dans sa nature assez facile et négligente, à une tendre et pressante volonté, à une présence impérieusement favorable à sa gloire, qui veilla longtemps sur son travail, qui animait, dit-on, protégeait son esprit, le défendait d’être dissipé aux divertissements du monde, et qui obtint de lui qu’il tirât de soi-même tous les trésors qu’il eût aisément ignoré qu’il possédât, ou qu’il eût négligés de jour en jour, pour se réduire avec délices à jouir des beautés qui se trouvent tout accomplies aux bibliothèques et aux musées.