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et nous sommes ahuris par cette incohérence d’excitations qui nous obsède et dont nous finissons par avoir besoin.

Ne sont-ce pas là des conditions détestables pour la production ultérieure d’œuvres comparables à celles que l’humanité a faites dans les siècles précédents ? Nous avons perdu le loisir de mûrir, et, si nous rentrons en nous-mêmes, nous autres artistes, nous n’y trouvons pas cette autre vertu des anciens créateurs de beauté : le dessein de durer. Entre tant de croyances dont j’ai parlé, il en est une qui a disparu : c’est la croyance à la postérité et à son jugement.

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Nous voici maintenant au terme de cette revue du désordre que j’ai dû faire très rapide et que nécessairement je n’ai pas ordonnée. Peut-être attendez-vous de moi une conclusion ? Nous aimons que la pièce finisse bien ou du moins qu’elle finisse. Vous aurez prompte satisfaction sur ce dernier point. Sur l’autre, je vous répète que j’ai précisément pour objet l’impossibilité de conclure. Le besoin d’une conclusion est si puissant en nous que nous l’introduisons irrésistiblement et absurdement dans l’Histoire et même dans la politique. Nous découpons la suite des choses en tragédies bien déterminées, nous voulons qu’une guerre achevée soit une affaire nettement finie. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce sentiment est malheureusement illusoire. Nous croyons aussi qu’une révolution est une solution nette, et nous savons que cela non plus n’est pas exact. Ce sont là des simplifications grossières des choses.

La seule conclusion d’une étude comme celle-ci, d’un regard