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que de grands changements se préparent dans l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes.

II. — DE L’INTELLIGENCE-CLASSE.

Pensons un peu maintenant à ce que j’appellerai l’Intelligence-Classe.

Tout le monde sent bien que quelque tribu existe qui se distingue par ses rapports particuliers avec l’esprit.

Personne n’en peut donner une description complète, simple et arrêtée. Il s’agit d’une nébuleuse sociale à résoudre. Mais celle-ci est de ces molles nébuleuses auxquelles plus s’attache le regard, plus leurs contours se dissolvent, plus leurs formes se fondent ou se dérobent. Il demeure toujours quelque chose que l’on ne sait ni raccorder à la figure générale, ni distraire d’elle.

Cette espèce pourtant se plaint ; donc elle existe.

Intellectuels, artistes, membres des diverses professions libérales… les uns sont assez utiles à la vie animale de la société, les autres sont inutiles (et parmi ces derniers, les plus précieux peut-être, ceux qui relèvent un peu notre race, et lui donnent l’illusion de connaître, de s’avancer, de créer, de se roidir contre sa nature). Il arrive aujourd’hui que l’on parle de la dépression de la valeur de ces hommes, de l’affaiblissement de leur prestige, de leur extermination par le dénuement. Leur existence est, en effet, étroitement liée à une culture et à une tradition, l’une et