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Va ! je n’ai plus besoin de ta race naïve,
Cher Serpent… Je m’enlace, être vertigineux !
Cesse de me prêter ce mélange de nœuds
Ni ta fidélité qui me fuit et devine…
Mon âme y peut suffire, ornement de ruine !
Elle sait, sur mon ombre égarant ses tourments,
De mon sein, dans les nuits, mordre les rocs charmants ;
Elle y suce longtemps le lait des rêveries…
Laisse donc défaillir ce bras de pierreries
Qui menace d’amour mon sort spirituel…
Tu ne peux rien sur moi qui ne soit moins cruel,
Moins désirable… Apaise alors, calme ces ondes,
Rappelle ces remous, ces promesses immondes…
Ma surprise s’abrège, et mes yeux sont ouverts.
Je n’attendais pas moins de mes riches déserts
Qu’un tel enfantement de fureur et de tresse :
Leurs fonds passionnés brillent de sécheresse
Si loin que je m’avance et m’altère pour voir
De mes enfers pensifs les confins sans espoir…
Je sais… Ma lassitude est parfois un théâtre.
L’esprit n’est pas si pur que jamais idolâtre
Sa fougue solitaire aux élans de flambeau
Ne fasse fuir les murs de son morne tombeau.