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Anxieuse d’azur, de gloire consumée,

Poitrine, gouffre d’ombre aux narines de chair, Aspire cet encens d’âmes et de fumée Qui monte d’une ville analogue à la mer !

Soleil, soleil, regarde en toi rire mes ruches ! L’intense et sans repos Babylone bruit,

Toute rumeur de chars, clairons, chaînes de cruches Et plaintes de la pierre au mortel qui construit.

Qu’ils flattent mon désir de temples implacables, Les sons aigus de scie et les cris des ciseaux, Et ces gémissements de marbres et de câbles Qui peuplent l’air vivant de structure et d’oiseaux !

Je vois mon temple neuf naître parmi les mondes, Et mon vœu prendre place au séjour des destins ; Il semble de soi-même au ciel monter par ondes Sous le bouillonnement des actes indistincts.

Peuple stupide, à qui ma puissance m’enchaîne, Hélas ! mon orgueil même a besoin de tes bras ! Et que ferait mon cœur s’il n’aimait cette haine Dont l’innombrable tête est si douce à mes pas ?