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nérale et diffuse, et il s’adresse à elle au moyen du langage qui est un mélange fort bizarre d’excitations incohérentes. Rien n’est plus complexe, plus difficile à démêler que l’étrange combinaison de propriétés qui se trouve dans le langage. Tout le monde sait bien à quel point sont rares les accords du sou et du sens ; et d’ailleurs, tout le monde sait bien qu’un discours peut développer des qualités toutes différentes ; un discours peut être logique et privé de toute harmonie ; il peut être harmonieux et insignifiant ; il peut être clair et dépourvu de toute beauté ; il peut être prose ou poésie ; et il suffit, pour résumer tous ces modes indépendants, de citer toutes les sciences qui se sont créées pour exploiter cette diversité du langage et l’étudier sous divers aspects. Le langage est justiciable, tour-à-tour, de la phonétique, avec la métrique et la rythmique qui s’y ajoutent ; il a un aspect logique et un aspect sémantique ; il comporte la rhétorique et la ryzztaxe. On sait que toutes ces disciplines diverses peuvent étudier un même texte de bien des façons indépendantes l’une de l’autre... Voici donc le poète aux prises avec cet ensemble si divers et trop riche de propriétés initiales, trop riche pour n’être pas, en somme, confus ; c’est de là qu’il doit tirer son objet d’art, la machine à produire l’émotion