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subissant le poème, ses éveils, ses suspens, ses attentes, ses pressentiments qu’il faut créer, amuser, déjouer ou satisfaire.

J’ai donc plusieurs étages d’idées, les unes de résultat, les autres d’exécution ; et l’idée de l’incertain par-dessus toutes; et enfin celle de ma propre attente, prompte à saisir les éléments tout réalisés, écrivables, qui se donnent ou se donneraient, même non restreints au sujet.

Il peut arriver ainsi que le germe ne soit qu’un mot ou lambeau de phrase, un vers qui cherche et travaille pour se créer une justification et engendre ainsi un contexte, un sujet, un homme, etc.

Que tire du sujet ou du germe, la réflexion ?

La réflexion est une restriction du hasard, un hasard auquel on ajuste une convention. Et qu’est-ce qu’un jeu de hasard, sinon cette addition qui crée une attente, donne une importance inégale aux diverses faces d’un dé ?

Ces faces sont égales d’un certain point de vue, inégales suivant un autre... Où l’un perd, l’autre gagne. Telle idée, telle expression venue à l’esprit de Racine et rejetée par lui comme perte, Hugo l’eût saisie comme un gain.