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Quand l’opaque délice où dort cette clarté,
Cède à mon corps l’horreur du feuillage écarté,
Alors, vainqueur de l’ombre, ô mon corps tyrannique,
Repoussant aux forêts leur épaisseur panique,
Tu regrettes bientôt leur éternelle nuit !
Pour l’inquiet Narcisse, il n’est ici qu’ennui !
Tout m’appelle et m’enchaîne à la chair lumineuse
Que m’oppose des eaux la paix vertigineuse !

Que je déplore ton éclat fatal et pur,
Si mollement de moi, fontaine environnée,
Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur,
Les yeux mêmes et noirs de leur âme étonnée !

Profondeur, profondeur, songes qui me voyez,
    Comme ils verraient une autre vie,
Dites, ne suis-je pas celui que vous croyez,
    Votre corps vous fait-il envie ?

Cessez, sombres esprits, cet ouvrage anxieux
    Qui se fait dans l'âme qui veille ;
Ne cherchez pas en vous, n’allez surprendre aux cieux
    Le malheur d’être une merveille :
Trouvez dans la fontaine un corps délicieux…