Souvent je ne distingue plus ma pensée d’avant le sommeil. Je ne sais pas si j’ai dormi. Autrefois, en m’assoupissant, je pensais à tous ceux qui m’avaient fait plaisir, figures, choses, minutes. Je les faisais venir pour que la pensée fût aussi douce que possible, facile comme le lit… Je suis vieux. Je puis vous montrer que je me sens vieux… Rappelez-vous ! — Quand on est enfant on se découvre, on découvre lentement l’espace de son corps, on exprime la particularité de son corps par une série d’efforts, je suppose ? On se tord et on se trouve ou on se retrouve, et on s’étonne ! on touche son talon, on saisit son pied droit avec sa main gauche, on obtient le pied froid dans la paume chaude !.. Maintenant, je me sais par cœur. Le cœur aussi. Bah ! toute la terre est marquée, tous les pavillons couvrent tous les territoires… Reste mon lit. J’aime ce courant de sommeil et de linge : ce linge qui se tend et se plisse, ou se froisse, — qui descend sur moi comme du sable, quand je fais le mort, — qui se caille autour de moi dans le sommeil… C’est de la mécanique bien complexe. Dans le sens de la trame ou de la chaîne, une déformation très petite… Ah ! »
Il souffrit.