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infinité de petits, ont pâli depuis des siècles, ne sont point des monstres psychologiques, — des Idées Monstres, — enfantés par l’exercice naïf de nos facultés interrogeantes que nous appliquons un peu partout, — sans nous aviser que nous ne devons raisonnablement questionner que ce qui peut véritablement nous répondre ?

Mais les monstres de chair rapidement périssent. Toutefois ils ont existé quelque peu. Rien de plus instructif que de méditer sur leur destin.

Pourquoi M. Teste est-il impossible ? — C’est son âme que cette question. Elle vous change en M. Teste. Car il n’est point autre que le démon même de la possibilité. Le souci de l’ensemble de ce qu’il peut le domine. Il s’observe, il manœuvre, il ne veut pas se laisser manœuvrer. Il ne connaît que deux valeurs, deux catégories, qui sont celles de la conscience réduite à ses actes : le possible et l’impossible. Dans cette étrange cervelle, où la philosophie a peu de crédit, où le langage est toujours en accusation, il n’est guère de pensée qui ne s’accompagne du sentiment qu’elle est provisoire ; il ne subsiste guère que l’attente et l’exécution d’opérations définies. Sa vie intense et brève se dépense à surveiller le mécanisme par lequel les relations du connu et de l’inconnu sont instituées et orga-