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Elle requiert une attention de forme tout à fait caractéristique : on ferme les yeux, on attend toujours.

Alors, on est possédé (au sens des cochons de Génézareth) et on a le frisson, le mal au ventre, la sueur froide, la nausée à l’âme, l’horripilation, tous les symptômes du grand art et du haut mal.

Et ce qu’il y a de merveilleux, c’est que : ce ne sont que symptômes !

Symptômes de quoi ?

Symptômes de la profondeur, de la divine intellexion, de la grâce, des danses impossibles, des bontés même à en vomir, de câlineries d’enfances malades, de désespoirs de femmes ; symptômes de forces et de mouvements fabuleux, de tristesses inimitables ; grognements sans monstres, amours où le spasme dure 50 minutes, forêts hystériques, marches de bataillons d’empereur… sacres bleus !

Tour le toc de l’homme à l’extrême, tout le délire des grandeurs, des persécutions, tout ce qu’il y a d’impossible, d’irrationnel, mais tout cela réalisé en partie ! Tour cela sûr, plus que vrai, et commandé par un jeu de boutons.

Il y a un sens qui permet à l’homme de manœuvrer l’homme sans merci.

Ce sens est un peu plus exceptionnel que la vue.