Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

netteté de dessin divine, qui ne le cède pas au Hugo biblique et germanique. Je me demande si l’avenir (l’avenir étant supposé homme de goût) ne choisira pas celui-là ?

Permettez-moi de recourir à ma faible expérience, en invoquant le parva licet…

Et bien, j’ai observé que le grand bénéfice des poèmes soutenus très organisés et bâtis en force, construits par long labeur, était de faire produire après eux l’œuvre libre et légère, fleur sans effort, — mais qui ne fût pas née sans le dur entraînement de la veille ; on s’ébroue ; on a ôté des bottes plombées, et l’on danse… La fatigue a précédé le travail !

Je m’interromps… Voici sur la mer un, deux, trois, quatre de nos nouveaux petits croiseurs qui s’en vont de Toulon aux Salins fort lestement. Le mistral les fait précéder de leurs fumées. Tout à l’heure on n’entendra plus que le canon, car ce point où je suis est au centre des jeux de la marine.

10 heures. Voici bientôt le facteur qui doit emporter les lettres. Il faut vous serrer affectueusement la main.

P. V.
(1929)