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esprit par ce terrible mot, l’oracle répondait par une image différente. Toutes étaient naïves. Aucune exactement n’annulait la sensation de ne point comprendre.

Il me venait des lambeaux de rêve.

Je formais des figures que j’appelais des « Intellectuels ». Hommes presque immobiles qui causaient de grands mouvements dans le monde. Ou hommes très animés, dont les vives actions de leurs mains et de leurs bouches manifestaient des puissances imperceptibles et des objets invisibles par essence. Je vous demande pardon de vous dire la vérité. Je voyais ce que je voyais.

Hommes de pensée, Hommes de lettres, Hommes de science, Artistes, — Causes, causes vivantes, causes individuées, causes minimes, causes contenant des causes et inexplicables à elles-mêmes, — et causes de qui les effets étaient aussi vains, mais à la fois aussi prodigieusement importants, que je le voulais… L’univers de ces causes et de leurs effets existait et n’existait pas. Ce système d’actes étranges, de productions et de prodiges avait la réalité toute-puissante et nulle d’une partie de cartes. Inspirations, méditations, œuvres, gloire, talents, il dépendait d’un certain regard que ces choses fussent presque tout, et