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NÉCESSITÉ
  DE LA POÉSIE[1]


Avant de vous parler de poésie, permettez-moi de vous dire quelques mots d’un poète qui vient de mourir, grand poète, et mon ami depuis quarante ans ; enfin, poète français par sa volonté, quoique originaire et citoyen des États-Unis. Il s’agit de Francis Vielé-Griffin, mort ces jours-ci à Bergerac, et dont la disparition est une grande perte. Si je vous en parle ce soir, c’est qu’il y a une justice à lui rendre. Ce poète, qui, depuis des années, vivait très retiré, d’abord en Touraine, ensuite en Périgord, avait choisi la France pour patrie d’élection ; il figure le plus honorablement du monde dans la liste si honorable des poètes étrangers qui ont écrit notre langue et s’y sont distingués par leurs vers.

Vous n’ignorez pas que la poésie française, depuis Baudelaire, a exercé une action singulièrement forte et glorieuse sur la

  1. Conférence donnée à l’Université des Annales le 19 novembre 1937.