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qui ne se trouvent que là, mais ces merveilles toujours sont impures, je veux dire mêlées de choses viles ou vaines, insignifiantes ou incapables de résister à la lumière extérieure, ou encore impossibles à retenir, à conserver. Dans l’éclat de l’exaltation, tout ce qui brille n’est pas or.

En somme, certains instants nous trahissent des profondeurs où le meilleur de nous-mêmes réside, mais en parcelles engagées dans une matière informe, en fragments de figure bizarre ou grossière. Il faut donc séparer de la masse ces éléments de métal noble et s’inquiéter de les fondre ensemble et d’en façonner quelque joyau.

Si l’on se plaisait à développer en rigueur la doctrine de la pure inspiration, on en déduirait des conséquences bien étranges. On trouverait nécessairement, par exemple, que ce poète qui se borne à transmettre ce qu’il reçoit, à livrer à des inconnus ce qu’il tient de l’inconnu, n’a donc nul besoin de comprendre ce qu’il écrit sous la dictée mystérieuse.

Il n’agit pas sur ce poème dont il n’est pas la source. Il peut être tout étranger à ce qui découle au travers de lui. Cette conséquence inévitable me fait songer à ce qui, jadis, était généralement cru au sujet de la possession diabolique. On lit dans les documents d’autrefois qui relatent les interrogatoires en matière de sorcellerie, que des personnes, souvent, furent convaincues d’être habitées du démon, et condamnées de ce chef, pour avoir, quoique ignorantes et incultes, discuté, argumenté, blasphémé pendant leurs crises, en grec, en latin, voire en hébreu devant les enquêteurs horrifiés. (Ce n’était point du latin sans larmes, je pense.)

Est-ce là ce que l’on exige du poète ? Certes, une émotion