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dans un domaine plus riche de nos fonctions de mouvement, il exige de nous une participation qui est plus proche de l’action complète, cependant que le conte et le roman nous transforment plutôt en sujets du rêve et de notre faculté d’être hallucinés.

Mais je répète que des degrés, des formes de passage innombrables existent entre ces termes extrêmes de l’expression littéraire.

Ayant tenté de définir le domaine de la poésie, je devrais à présent m’essayer à envisager l’opération même du poète, les problèmes de la composition et de la facture. Mais ce serait entrer dans une voie bien épineuse. On y trouve des tourments infinis, des disputes qui ne peuvent avoir de fin, des épreuves, des énigmes, des soucis et même des désespoirs qui font le métier de poète un des plus incertains et des plus fatigants qui soient. Le même Malherbe que j’ai déjà cité, disait qu’après avoir achevé un bon sonnet, l’auteur a droit de prendre dix ans de repos. Encore admettait-il par là que ces mots : un sonnet achevé signifient quelque chose... Quant à moi, je ne les entends guère... Je les traduis par sonnet abandonné.

Effleurons cependant cette difficile question : Faire des vers...

Mais vous savez tous qu’il existe un moyen fort simple de faire des vers.

Il suffit d’être inspiré, et les choses vont toutes seules. Je voudrais bien qu’il en fût ainsi. La vie serait supportable. Accueillons, toutefois, cette réponse naïve, mais examinons-en les conséquences.

Celui qui s’en contente, il lui faut consentir ou bien que la