très petite, de Valvins. Valvins est un hameau situé au bord même de la Seine, en face de la lisière de la forêt de Fontainebleau. Là, Mallarmé avait coutume d’aller passer l’été, dans une maison paysanne qu’il avait arrangée selon son goût parfait. Il y trouvait la paix, le travail méditatif, pendant ses mois de vacances. Il y avait là une yole dans laquelle il promenait quelquefois ses amis sur la rivière. C’est là que je l’ai trouvé, le 14 juillet 1898. Après le déjeuner, il me conduisit dans son minuscule cabinet de travail qui avait deux pas de large sur six pas de long. Sur l’appui de la fenêtre, étaient étalées les épreuves de ce fameux Coup de Dés dont je viens de vous parler. Nous avons longtemps regardé ensemble cette sorte de machine de langage qu’il avait ainsi savamment, patiemment, témérairement construite, car rien n’était plus téméraire que cet essai. Nul n’a eu plus de courage littéraire que cet homme, qui aurait pu être le premier poète de son temps s’il eût consenti de n’être pas tout à fait soi-même, et qui a tout risqué pour suivre profondément en soi, pendant toute sa vie, une idée.
Nous avons longtemps considéré ces épreuves d’imprimerie. La perfection de l’exécution matérielle était essentielle à son dessein, puisque l’œuvre qu’il rêvait était une œuvre dont l’apparence visible était une partie capitale, dont il fallait que tous les détails fussent ordonnés et réalisés minutieusement. Je me rappelle avoir discuté avec lui la place de certains mots, l’importance de certains blancs… Et puis, nous sommes sortis dans la campagne. Nous avons marché sous le soleil ardent. L’été était très avancé et déjà les blés étaient tout dorés devant nous dans la plaine. Il s’arrêta tout à coup pensif. Cet homme rêvait aux merveilles prochaines de l’automne, l’automne qui le ramenait à Paris, où