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l’énergie qui s’annonce et qui va se montrer, que nous nous hérissons contre cette démonstration esquissée.

L’enseignement montre donc son incertitude et la montre à sa façon. La tradition et le progrès se partagent ses désirs. Tantôt il s’avance résolument, esquisse des programmes qui font table rase de bien des traditions littéraires ou scientifiques ; tantôt le souci respectable de ce qu’on nomme les humanités le rappelle à elles, et l’on voit s’élever, une fois de plus, la dispute infinie que vous savez entre les morts et les vivants, où les vivants n’ont pas toujours l’avantage. Je suis bien obligé de remarquer que, dans ces discussions et dans cette alternative, les questions fondamentales ne sont jamais énoncées. Je sais que le problème est horriblement difficile. La quantité croissante des connaissances d’une part, le souci de conserver certaines qualités que nous considérons, à tort ou à raison, non seulement comme supérieures en soi, mais comme caractéristiques de la nation, se peuvent difficilement accorder. Mais si l’on considérait le sujet lui-même de l’éducation : l’enfant, dont il s’agit de faire un homme, et si l’on se demandait ce que l’on veut au juste que cet enfant devienne, il me semble que le problème serait singulièrement et heureusement transformé, et que tout programme, toute méthode d’enseignement, comparés point par point, à l’idée de cette transformation à obtenir et du sens dans lequel elle devrait s’opérer, seraient par là jugés. Supposons, par exemple, que l’on dise :

— Il s’agit de donner à cet enfant, (pris au hasard), les notions nécessaires pour qu’il apporte à la nation un homme capable de gagner sa vie, de vivre dans le monde moderne où il devra vivre, d’y apporter un élément utile, un élément non dangereux, mais un élément capable de concourir à la prospérité générale. D’autre