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diatement sensibles. Sans doute, la notion de l’univers s’était profondément modifiée, en même temps que celle de la science elle-même, et corrélativement ; mais les phénomènes observables, d’une part, les pouvoirs d’action de l’homme, d’autre part, ne s’étaient pas sensiblement accrus. Or, en 1800, (je crois), la découverte du courant électrique, par l’invention admirable de la pile, ouvre cette ère des faits nouveaux qui vont changer la face du monde. Il n’est pas sans intérêt de s’arrêter sur cette date : de songer qu’il n’y a que cent trente-cinq ans que cette révélation a eu lieu. Vous en savez les suites merveilleuses : tout le domaine de l’électrodynamique et de l’électromagnétisme ouvert à la curiosité passionnée des savants, toutes les applications qui se multiplient, les relations aperçues de l’électricité avec la lumière, les conséquences théoriques qui s’ensuivirent ; le rayonnement enfin, dont l’étude vient remettre en question toutes nos connaissances physiques, et jusqu’à nos habitudes de pensée.

Envisagez, maintenant, le nombre de ces faits radicalement nouveaux, impossibles à prévoir, qui, en moins d’un siècle et demi, sont venus surprendre les esprits, depuis le courant électrique jusqu’aux rayons X et aux diverses radiations qui se découvrent depuis Curie ; ajoutez-y la quantité des applications, depuis le télégraphe jusqu’à la télévision, et vous concevrez par la réflexion de cette nouveauté toute vierge, offerte en si peu de temps au monde humain, (et dont l’accroissement semble sans limite), quel effort d’adaptation s’impose à une race si longtemps enfermée dans la contemplation et l’utilisation des mêmes phénomènes immédiatement observables, depuis l’origine.