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Ces images valent ce qu’elles valent, (mais comment penser sans de tels moyens ?) Les unes et les autres introduisent des idées d’ordre et de désordre, de bon ou de mauvais fonctionnement, et donc, nous permettent de juger et de critiquer tantôt la structure du mécanisme supposé ; tantôt la personne, (ou les personnes), qui paraissent le surveiller ou le conduire. (Ici peuvent s’insinuer de grandes illusions sur la portée et la réalité du pouvoir politique, sur le pouvoir du Pouvoir, lequel semble toujours d’autant plus grand et plus certain que l’on en est plus éloigné…)

Or il arrive parfois et partout que les circonstances fassent craindre pour l’existence de la machine ou de l’organisme dont il s’agit. Des vices de construction, des erreurs de conduite, des événements auxquels il n’était pas fait pour résister, troublent son ordre, compromettent les biens ou les vies des hommes qui en sont les éléments. Ils constatent que rien ne va et que rien ne se fait ; que le danger s’accroît, que l’impression d’impuissance, de ruine imminente s’impose et se fortifie : chacun se sent enfin sur un navire en perdition…

C’est alors que se forme inévitablement dans les esprits l’idée du contraire de ce qui est, l’idée complémentaire de la dispersion, de la confusion, de l’indécision… Ce contraire est nécessairement Quelqu’un. Ce Quelqu’un germe en tous.