Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.

AU SUJET
DE LA DICTATURE[1]

Toute politique, même la plus grossière, implique quelque idée de l’homme, et quelque idée d’une société. On ne peut concevoir une société, sa durée, sa cohésion, ses défenses contre les causes externes ou internes qui tendent à la corrompre, qu’au moyen de figures empruntées à la connaissance que nous avons de systèmes matériels ou d’êtres vivants, et de leur fonctionnement. On use plus ou moins consciemment de la notion plus ou moins savante que l’on a de machines ou d’organismes qui sont, les uns et les autres, des assemblages complexes auxquels nous donnons ou supposons une fin. On parlait du char ou du vaisseau de l’État ; on parle de leviers, de forces, de rouages ; ou bien d’action, de coordination, de périls, de remèdes, de croissance ou de décadence, pour parler de certaines liaisons et de certains événements qui dépendent d’un nombre immense d’hommes.

  1. Cet essai a été publié en préface du recueil : Dictatures et Dictateurs (1934).