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comme vidés de leur énergie, amortis ou contredits par leurs conséquences immédiates.

Il faut s’attendre que de telles transformations deviennent la règle. Plus nous irons, moins les effets seront simples, moins ils seront prévisibles, moins les opérations politiques et même les interventions de la force, en un mot l’action évidente et directe, seront ce que l’on aura compté qu’ils seraient. Les grandeurs, les superficies, les masses en présence, leurs connexions, l’impossibilité de localiser, la promptitude des répercussions imposeront de plus en plus une politique bien différente de l’actuelle.

Les effets devenant si rapidement incalculables par leurs causes, et même antagonistes de leurs causes, peut-être trouvera-t-on puéril, dangereux, insensé désormais, de chercher l’événement, d’essayer de le produire, ou d’empêcher sa production ; peut-être l’esprit politique cessera-t-il de penser par événements, habitude essentiellement due à l’histoire et entretenue par elle. Ce n’est point qu’il n’y aura plus d’événements et de moments monumentaux dans la durée ; il y en aura d’immenses ! Mais ceux dont c’est la fonction que de les attendre, de les préparer ou d’y parer, apprendront nécessairement de plus en plus à se défier de leurs suites. Il ne suffira plus de réunir le désir et la puissance pour s’engager dans une entreprise. Rien n’a été plus ruiné par la dernière guerre que la prétention de prévoir. Mais les connaissances historiques ne manquaient point, il me semble ?