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bours et dans les écailles de pommes de pins. D’autre part, l’infini des courbes planes ou gauches, sera certainement exploité par les organisateurs. Divers procédés seront mis en œuvre pour rendre sensible aux yeux la génération des surfaces. Par exemple, la projection sur un fond noir, les surfaces formées de fils qu’on éclairera par des nappes lumineuses. Par le même procédé, en faisant déplacer des fils générateurs de ces surfaces, on obtiendra d’une manière continue et saisissante les déformations d’une courbe qui se tord, se ploie et se déploie sous les yeux du spectateur, comme un être vivant. On tentera même de donner une idée d’un espace à quatre dimensions… Enfin, on exposera les merveilleuses machines qui servent aujourd’hui à exécuter automatiquement les calculs les plus compliqués, les appareils à effectuer, non seulement toutes les opérations arithmétiques, mais des résolutions d’équations et des intégrations.

Certains automates seront rangés dans la catégorie de ces mécanismes.

Quant aux mathématiques appliquées, l’exposition comprendra certainement divers dispositifs ingénieux qui rendront sensibles les principales lois des calculs de probabilité comme la courbe de Gauss ou la solution du problème de l’aiguille de Buffon.

On voit que, si abstraite soit une science, l’ingéniosité et l’emploi de tous les moyens modernes de présentation permettent d’en tirer quelques éléments très intéressants de spectacle ; et cette perception directe par les visiteurs, de résultats obtenus par le travail le plus intérieur et le plus sévère de l’esprit, pourra sans doute leur inspirer, à l’égard de ceux qui se consacrent par ses profondes recherches des sentiments d’admiration et de respect pour l’effort intellectuel généralement peu soupçonné du public.

Mais tous les efforts de l’intelligence ne peuvent être rendus sensibles et, si les mathématiciens ont pu concevoir une exhibition de quelques-uns des résultats de leur science, d’autres branches du savoir et du pouvoir intellectuel sont malheureusement sans moyen de se manifester aux yeux. J’ai dit tout à l’heure que nous tenterons par l’exposition de manuscrits corrigés et de divers états du travail du style, de donner quelque idée de l’élaboration littéraire, mais nous ne disposons d’aucun moyen de mettre en spectacle les diverses formes de l’activité de la pensée.

Le poète, le romancier, le philosophe, l’historien, ici, doivent se confondre. Toutefois, l’on peut bien dire, et c’est par quoi je terminerai, que l’Exposition elle-même tout entière implique par sa date, qui est celle du troisième centenaire du Discours de la Méthode, par l’esprit dans lequel elle a été conçue, par les efforts d’imagination qu’elle a nécessités, à la fois histoire, philosophie et poésie.