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ciliée, l’espérance de jours limpides et d’une bienheureuse jouissance du calme universel et de la mansuétude généralisée ?

Le nombre de toutes ces bêtes, singulières ou non, doit se multiplier par leurs emplois, car la poésie, les arts plastiques, la philologie, l’exégèse, l’archéologie, la science des religions, et même l’histoire naturelle, paléontologie ou zoologie en font état, chacune selon sa méthode.

Je ne les ai évoquées que pour faire sentir, sur un point particulier, par la confusion d’une ménagerie mentale improvisée, l’incroyable richesse de la vie dans le polygone ORIENT. Je dis bien : de la vie, quoique plus d’un animal cité plus haut appartienne au genre des mythes. Mais si la Fable n’est pas la Vie, la génération de la Fable est l’un des actes de la Vie qui en démontrent le plus fortement la puissance. Elle manifeste qu’au milieu même de la nature la plus féconde en productions, l’homme ne peut se tenir d’ajouter sa création propre à la quantité des créatures données : il prend des ailes à l’aigle et son corps au lion ; il ajuste au torse de la femme une queue de poisson ; il donne la parole à l’âne et au reptile ; il combine les machines, les armes, les organes de perception ou de défense qu’il observe dans les êtres, tellement que l’on pourrait isoler et définir un art de composer le bestiaire fabuleux, de construire le centaure, les khérubim, le griffon et l’hircocerf, tels qu’on les trouve à travers les siècles, dans toutes les parties de notre ORIENT.

Mais au travers de cette riche divagation créatrice, et parmi