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Lotos des Égyptiens, et leur papyrus, non loin du calame, tous deux détestables fauteurs de la facilité d’écrire…

La Faune de mon ORIENT n’est pas moins riche que la Flore en espèces admirables, dont certaines se réduisent à un exemplaire unique dans les fastes des âges vagues. Voici l’ibis, le lynx, le chat, le crocodile rieur ; le cheval pur et le faucon de l’Arabie, et le lévrier du désert qui distance jusqu’à la tortue qu’Achille même ne put vaincre.

Quelle multitude d’animaux redoutables ou savants, ou chargés de missions importantes… Le simorg, la perçante licorne, propices l’un et l’autre aux arts décoratifs ; le poisson babylonien dont le fiel « guérit l’œil mort du vieux Tobie », comme parle Victor Hugo ; l’énorme cétacé, qui transporte dans son estomac, passagers effarés qu’il ne distingue guère, Jonas le prophète et Sindbad le Marin ; le marsouin d’Arion et la chouette de Pallas, sans parler du Serpent qui discute et suggère, de celui qui s’enroule aux pythies, du Sphinx qui interroge, du Taureau qui impose son amour, de l’Oiseau Roc, de l’Aigle de l’Olympe, du Corbeau qui alimente les Prophètes, de la Sauterelle dont ils se sustentent, des Dragons variés qui surveillent les Andromèdes, causent le trépas des Hippolytes, se font exterminer par les Persée, les Bellérophons, les Saints Georges, les Dieudonné de Gozon… J’allais oublier les terribles lions d’Assyrie et celui de Némée, et les pieuvres de Crète, et l’Hydre, et les sordides volatiles du lac Stymphale… Devrais-je enfin, en cet âge de fer et de feu, omettre, d’une part, ces cochons gonflés de démons dont l’immonde troupeau fut envoyé à la noyade, et d’autre part, la colombe couleur d’aurore, au bec porteur d’un rameau d’olivier, qui de l’Arche s’envole, et répand sur la terre récon-