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de la terre, le commencement des périls, le seuil étincelant des contrées inconnues ; et l’avidité même des hommes, toute prête à se changer dans une crainte superstitieuse, à peine lui cèdent-ils et mettent-ils le pied sur le navire… Ce sont en vérité d’admirables théâtres ; mais plaçons au-dessus les édifices de l’art seul ! Dussions-nous faire contre nous-mêmes un effort assez difficile, il faut s’abstraire quelque peu des prestiges de la vie, et de la jouissance immédiate. Ce qu’il y a de plus beau est nécessairement tyrannique…

— Mais je dis à Eupalinos que je ne voyais pas pourquoi il en doit être ainsi. Il me répondit que la véritable beauté était précisément aussi rare que l’est, entre les hommes, l’homme capable de faire effort contre soi-même, c’est-à-dire de choisir un certain soi-même, et de se l’imposer. Ensuite, ressaisissant le fil d’or de sa pensée : Je viens maintenant, dit-il, à ces chefs-d’œuvre entièrement dus à quelqu’un, et desquels je te disais, il y a un instant, qu’ils semblent chanter par eux-mêmes.

Était-ce là une parole vaine, ô Phèdre ? Étaient-ce des mots négligemment créés par le discours, qu’ils ornent rapidement, mais qui ne supportent pas d’être réfléchis ? Mais non, Phèdre, mais non !… Et