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Socrate

Regarde et entends.

Phèdre

Je n’entends rien. Je ne vois pas grand’chose.

Socrate

Peut-être n’es-tu pas suffisamment mort. C’est ici la limite de notre domaine. Devant toi coule un fleuve.

Phèdre

Hélas ! Pauvre Ilissus !

Socrate

Celui-ci est le fleuve du Temps. Il ne rejette que les âmes sur cette rive ; mais tout le reste, il l’entraîne sans effort.

Phèdre

Je commence à voir quelque chose. Mais je ne distingue rien. Tout ce qui file et qui dérive, mes regards le suivent un instant et le perdent sans l’avoir divisé… Si je n’étais pas mort, ce mouvement me donnerait la nausée, tant il est triste et irrésistible. Ou bien, je serais contraint de l’imiter, à la façon