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tité de leurs désirs. Il faut donc que la danse enfante par la subtilité des traits, par la divinité des élans, par la délicatesse des pointes stationnaires, cette créature universelle qui n’a point de corps ni de visage, mais qui a des dons, et des jours, et des destinées, mais qui a une vie et une mort ; et qui n’est même que vie et que mort, car il ne connaît pas le sommeil ni aucune trêve.

C’est pourquoi la seule danseuse peut le rendre visible par ses beaux actes. Toute, Socrate, toute, elle était l’amour !… Elle était jeux et pleurs, et feintes inutiles ! Charmes, chutes, offrandes ; et les surprises, et les oui, et les non, et les pas tristement perdus… Elle célébrait tous les mystères de l’absence et de la présence ; elle semblait quelquefois effleurer d’ineffables catastrophes !… Mais à présent, pour rendre grâces à l’Aphrodite, regardez-la. N’est-elle pas soudain une véritable vague de la mer ? — Tantôt plus lourde, tantôt plus légère que son corps, elle bondit, comme d’un roc heurtée ; elle retombe mollement… c’est l’onde !

ÉRYXIMAQUE

Phèdre, à tout prix, prétend qu’elle représente quelque chose !