Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉRYXIMAQUE

La raison, quelquefois, me semble être la faculté de notre âme de ne rien comprendre à notre corps !

PHÈDRE

Mais moi, Socrate, la contemplation de la danseuse me fait concevoir bien des choses, et bien des rapports de choses, qui, sur-le-champ, se font ma propre pensée, et pensent, en quelque sorte, à la place de Phèdre. Je me trouve des clartés que je n’eusse jamais obtenues de la présence toute seule de mon âme…

Tout à l’heure, par exemple, l’Athikté me paraissait représenter l’amour. — Quel amour ? — Non celui-ci, non celui-là ; et non quelque misérable aventure ! — Certes, elle ne faisait point le personnage d’une amante… Point de mime, point de théâtre ! Non, non ! point de fiction !… Pourquoi feindre, mes amis, quand on dispose du mouvement et de la mesure, qui sont ce qu’il y a de réel dans le réel ?… Elle était donc l’être même de l’amour ! — Mais quel est-il ? — De quoi est-il fait ? — Comment le définir et le peindre ? — Nous savons bien que l’âme de l’amour est la différence invincible des amants, tandis que sa matière subtile est l’iden-