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tion et qui pénètre dans ce qui n’est pas possible !… Comme nos âmes sont pareilles, ô mes amis, devant ce prestige, qui est égal et entier pour chacune d’elles !… Comme elles boivent ensemble ce qui est beau !

ÉRYXIMAQUE

Toute, elle devient danse, et toute se consacre au mouvement total !

PHÈDRE

Elle semble d’abord, de ses pas pleins d’esprit, effacer de la terre toute fatigue, et toute sottise… Et voici qu’elle se fait une demeure un peu au-dessus des choses, et l’on dirait qu’elle s’arrange un nid dans ses bras blancs… Mais à présent, ne croirait-on pas qu’elle se tisse de ses pieds un tapis indéfinissable de sensations… Elle croise, elle décroise, elle trame la terre avec la durée… Ô le charmant ouvrage, le travail très précieux de ses orteils intelligents qui attaquent, qui esquivent, qui nouent et qui dénouent, qui se pourchassent, qui s’envolent !… Qu’ils sont habiles, qu’ils sont vifs, ces purs ouvriers des délices du temps perdu !… Ces deux pieds babillent entre eux, et se querellent comme des colombes !… Le