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ÉRYXIMAQUE

Cher Socrate, elle nous apprend ce que nous faisons, montrant clairement à nos âmes, ce que nos corps obscurément accomplissent. À la lumière de ses jambes, nos mouvements immédiats nous apparaissent des miracles. Ils nous étonnent enfin autant qu’il le faut.

PHÈDRE

En quoi cette danseuse aurait, selon toi, quelque chose de socratique, nous enseignant, quant à la marche, à nous connaître un peu mieux nous-mêmes ?

ÉRYXIMAQUE

Précisément. Nos pas nous sont si faciles et si familiers qu’ils n’ont jamais l’honneur d’être considérés en eux-mêmes, et en tant que des actes étranges (à moins qu’infimes ou perclus, la privation nous conduise à les admirer)… Ils mènent donc comme ils le savent, nous qui les ignorons naïvement ; et suivant le terrain, le but, l’humeur, l’état de l’homme, ou même l’éclairement de la route, ils sont ce qu’ils sont : nous les perdons sans y penser.

Mais considère cette parfaite procession de l’Athikté, sur le sol sans défaut, libre, net, et à peine