Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces contacts inexprimables qui se produisent dans l’âme, entre les temps, entre les blancheurs et les passes de ces membres en mesure, et les accents de cette sourde symphonie sur laquelle toutes choses semblent peintes et portées… Je respire, comme une odeur muscate et composée, ce mélange de filles charmeresses, ce dédale de grâces, où chacune se perd avec une compagne, et se retrouve avec une autre.

SOCRATE

Âme voluptueuse, vois donc ici le contraire d’un rêve, et le hasard absent… Mais le contraire d’un rêve, qu’est-ce, Phèdre, sinon quelque autre rêve ?… Un rêve de vigilance et de tension que ferait la Raison elle-même ! — Et que rêverait une Raison ? — Que si une Raison rêvait, dure, debout, l’œil armé, et la bouche fermée, comme maîtresse de ses lèvres, — le songe qu’elle ferait, ne serait-ce point ce que nous voyons maintenant, — ce monde de forces exactes et d’illusions étudiées ? — Rêve, rêve, mais rêve tout pénétré de symétries, tout ordre, tout actes et séquences !… Qui sait quelles Lois augustes rêvent ici qu’elles ont pris de clairs visages, et qu’elles s’accordent dans le dessein de manifester