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plaines de la lune et traduits en gemmes fondues sur les murailles du sanctuaire.

Un largo triomphal et total éclate enfin sous l’ultime voûte ; de tous les motifs exprimés se dégage et s’essore le secret, le glorieux amour absolu…

Or, celui qui entre et qui regarde, ébloui de l’œuvre tirée d’un songe, retrouve inévitablement d’héroïques souvenances.

Il évoque, en un bois thessalien, Orphée, sous les myrtes ; et le soir antique descend. Le bois sacré s’emplit lentement de lumière, et le dieu tient la lyre entre ses doigts d’argent. Le dieu chante, et, selon le rythme tout-puissant, s’élèvent au soleil les fabuleuses pierres, et l’on voit grandir vers l’azur incandescent, les murs d’or harmonieux d’un sanctuaire.

Il chante ! assis au bord du ciel splendide, Orphée ! Son œuvre se revêt d’un vespéral trophée, et sa lyre divine enchante les porphyres, car le temple érigé par ce musicien unit la sûreté des rythmes anciens, à l’âme immense du grand hymne sur la lyre !..

(mars 1891)