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Telles sont les magnificences latentes sous les mélodiques formes, telles sont les richesses ouvertes à celui qui aura l’intelligence mathématique des plus lointains rapports, qui saura dégager les lignes, discerner les courbes, évoquer les couleurs significatives que renferme une symphonie, et qu’expriment les instruments dociles à de grands artistes.

Enfin, de par cette volonté sortira de terre le monument tangible et visible, projeté dans la matière après avoir ébloui le pays mystérieux où les anges l’avaient édifié avec de saintes harmonies ! Et voici dans l’air bleu le Décor tel un somptueux désir d’enfant réalisé…


Voici comme un prélude annonciateur des rites, l’archivolte s’ouvrir avec des promesses, et les nervures légères incurver leurs gestes adoucis, et les jeunes grâces des arcs jaillir en des inclinaisons féminines de tiges. Par les verrières, des mauves et d’obliques lilas sur les dalles tombent, et pleuvent des pluies longues de pierreries.

Et c’est la forêt du silence… Là, les hautes effloraisons des piliers et les colonnes liliales, croissent dans l’ombre fastueuse parmi le rare pavement, — elles qui sont fleuries de fleurs mystérieuses, et qui portent sculptés sous leurs abaques, comme des fruits de l’Arbre de la science, les universels, les magiques symboles.

Et c’est la forêt où l’on oublie, où l’on écoute ! Le long des parois précieuses, coupées par les hiératiques bandeaux, des lotus nimbés d’or, inattendus et purs, épanouissent leurs pâles calices, cueillis peut-être au fond de wagnériennes rêveries, dans les