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l’hymne sous les flèches, loin des vers, loin des symphonies, les maçons élaborent des combinaisons incurieuses. La poésie a obtenu son constructeur de Temples qui taillait les mots longuement comme des pierres dures ; mais aucun architecte n’a su être Flaubert…

Demain, le suprême édificateur surgira d’un peuple, si ce peuple et le temps n’en sont pas les meurtriers. Sa pensée sera forte et harmonieuse, car il aura bu le lait d’une Déesse.

Ce soir, je veux en ces lignes vaines que dicte le caprice avec la songerie, prévoir l’invisible étoile, — cette âme lointaine et par mon âme désirée.

Je la devine musicienne, et longtemps recluse dans la pure solitude de son rêve.

D’abord, elle aura puisé l’exacte harmonie et les magiques infinis où les rythmes aboutissent, dans les ondes frissonnantes et profondes que les grands symphonistes ont épandues, Beethoven ou Wagner. Car de subtiles analogies unissent l’irréelle et fugitive édification des sons, à l’art solide, par qui des formes imaginaires sont immobilisées au soleil, dans le porphyre. Le héros, qu’il combine des octaves ou des perspectives, conçoit en dehors du monde… Il assemble et féconde ce qui n’existe ni ailleurs, ni avant lui, et se plaît souvent à rejeter le souvenir précis de la nature. Dans l’immortelle nuit où l’idée, jaillissante comme une eau vive, se livrera vierge à l’architecte de l’Avenir, quand, libre des choses visibles et des types exprimés, il aura trouvé le symbole et la synthèse de l’Univers intérieur qui confusément l’inquiétait, lors cette volonté et cette pensée de musique agrandie composera sa création originale comme une haute symphonie — aussi indépendant des apparences, aussi abstrait de