Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hautes nefs priaient éternellement… Puis, c’est le silence et la décadence ; l’architecture agonise dans les Académies. Les floraisons merveilleuses se dessèchent, et, tristement s’éteignent les yeux lucides de jadis, les vitraux et les roses chimériques.

Maintenant, c’est une jeunesse, c’est la frêle et la délicieuse enfance que l’art traverse une fois de plus. Ce siècle mourant fut la longue et la laborieuse nuit d’amour, nuit de peine où la gloire nouvelle fut conçue. Voici l’aurore et la blanche Épiphanie ! Nous, comme les rois fabuleux, saluons la divine naissance !

Seule, l’architecture veuve n’est pas encore dans la joie. Tous les autres arts sont serrés autour des hautaines enseignes d’or. Les purs artistes ont trouvé dans l’adoration indistincte des musiques, des couleurs et des mots, une grâce mystérieuse qui touche leurs œuvres particuliers. Et le rêve de chacun se magnifie et s’exalte, et tout cet univers exaspéré qu’abritent les esprits magnifiques, où flambent les fleurs et les métaux, où les êtres sont plus beaux et plus douloureux, s’enferme, — ô triomphe des luttes avec l’Ange ! — dans une parole, dans l’hymen délicat des nuances, dans la vie personnelle et décisive des sons ! Les mondes immenses, dont les Têtes prédestinées sont les habitacles d’élection, apparaissent, résumés en de secrètes suggestions, sous chacune des formes objectives que leur impose la native préférence des créateurs.

Ainsi, l’effort du siècle a conquis l’intelligence des principes futurs. L’analyse esthétique d’aujourd’hui a prévu la victorieuse synthèse des prochaines œuvres. Mais, encore, la lourdeur maussade des attiques traditionnels, la morne roideur des fermes d’acier ne s’émeut pas au contact de tant de vie ! Loin du petit bataillon sacré qui invective la laideur et le lucre, et qui chante