Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais le constructeur que je fais maintenant paraître, trouve devant soi pour chaos et pour matière primitive, précisément l’ordre du monde que le Démiurge a tiré du désordre du début. La Nature est formée, et les éléments sont séparés ; mais quelque chose lui enjoint de considérer cette œuvre inachevée, et devant être remaniée et remise en mouvement, pour satisfaire plus spécialement à l’homme. Il prend pour origine de son acte, le point même où le dieu s’était arrêté. — Au commencement, se dit-il, était ce qui est : les montagnes et les forêts ; les gîtes et les filons ; l’argile rouge, le blond sable, et la pierre blanche qui donnera la chaux. Il y avait aussi les bras musculeux des hommes, et les puissances massives des buffles et des bœufs. Mais il y avait, d’autre part, les coffres et les greniers des tyrans intelligents, et des citoyens démesurément enrichis par leurs négoces. Et il y avait enfin des pontifes qui souhaitaient de loger leur dieu ; et de si puissants rois qu’ils n’avaient plus rien à désirer qu’une tombe sans pareille ; et des républiques qui rêvaient d’inexpugnables murs ; et des archontes délicats, pleins de faiblesses pour les acteurs et les musiciennes, qui brûlaient de leur faire construire, aux dépens des caisses du fisc, les théâtres les plus sonores.