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Socrate

Tu as donc connu une quantité d’Eupalinos ?

Phèdre

Je suis naturellement curieux des gens de métier. Je recherche avidement les personnes de qui les idées et les actes s’interrogent et se répondent nettement. Mon sage du Pirée était un Phénicien d’une étrange multiplicité. Il fut d’abord esclave, en Sicile. D’esclave, il devint mystérieusement le patron d’une barque ; et de marin, se fit maître calfat. Las de radoubs, et laissant les vieilles coques pour les neuves, il s’institua constructeur de navires. Sa femme tenait un cabaret à quelques pas de son chantier. Je n’ai pas vu de mortel plus varié dans ses moyens, plus instruit en stratagèmes : plus curieux de tout ce qui ne le regardait pas, plus habile à s’en servir dans les choses qui le concernaient… Il envisageait toutes les affaires sous le seul rapport de la pratique et des procédés. Même le vice et la vertu lui étaient des occupations qui ont leurs temps et leurs élégances particuliers, et qui s’exercent selon l’occasion. « Parfois, disait-il, on prend le largue, et parfois on est au plus près. L’essentiel est de naviguer proprement ! »

Je pense bien qu’il a dû sauver quelques hommes