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tuelles !… Permets que je vienne m’asseoir auprès de toi-même et de Phèdre ; et le dos délibérément opposé à ces viandes toujours renaissantes et à ces urnes intarissables, laisse-moi que je tende à vos paroles, la coupe suprême de mon esprit. Que disiez-vous ?

PHÈDRE

Rien, encore. Nous regardions manger et boire nos semblables…

ÉRYXIMAQUE

Mais Socrate ne laissait pas de méditer sur quelque chose ?… Peut-il jamais demeurer solitaire avec soi-même, et silencieux jusque dans l’âme ! Il souriait tendrement à son démon sur les bords ténébreux de ce festin. Que murmurent tes lèvres, cher Socrate ?

SOCRATE

Elles me disent doucement : l’homme qui mange est le plus juste des hommes…

ÉRYXIMAQUE

Voici déjà l’énigme, et l’appétit de l’esprit qu’elle est faite pour exciter…